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Compléments nous ne paierons pas leur crise

L’Europe à la croisée des chemins

La crise économique a fait éclater au grand jour les contradictions de la construction de l’Europe. L’Acte unique de 1987 a fait de l’ouverture à la concurrence l’axe central de construction de l’Union européenne. Directement dérivé des traités européens successifs, le droit de la concurrence, de niveau communautaire, est un véritable droit fondateur auquel sont subordonnés les droits économiques et sociaux qui relèvent du droit national.

Le règne de la concurrence

Au lieu d’être un espace de coopération entre les peuples, cette Europe s’est construite sur le moins disant fiscal et social, la Cour de justice européenne légitimant, dans plusieurs arrêts, le dumping social. Citons pour mémoire les arrêts Viking, Laval, Ruffert et celui concernant le Luxembourg.
Ce type de construction s’est traduit par l’éclatement des trajectoires économiques des pays de l’Union. Ainsi, la Grande-Bretagne, l’Espagne et l’Irlande se sont alignés sur le modèle des Etats-Unis basé sur l’endettement des ménages et la financiarisation à outrance de leur économie. L’Allemagne a réussi depuis dix ans à imposer à ses salariés une déflation salariale considérable qui, en restreignant la demande interne, lui a permis de relancer fortement ses exportations au sein de l’Union. L’Allemagne a joué ainsi le rôle de passager clandestin : si tous les pays de l’Union en avaient fait autant, une récession d’ampleur aurait touché la zone euro pour un jeu à somme nulle en terme de gains de parts de marché.

Des réactions éclatées

Les réactions à la crise confirment cet éclatement. En effet, face à la crise, chaque pays agit à sa guise et le plan de relance européen s’est réduit à n’être qu’une juxtaposition des plans nationaux, au demeurant totalement insuffisants, et dont les contenus ne permettront en aucun cas de répondre aux problèmes actuels. La socialisation des pertes en est le point commun et les centaines de milliards dépensés pour sauver les banques ou financer quelques entreprises n’empêchent pas la récession de se développer.
Les marchés financiers ont parfaitement intégré cette situation et en jouent. Les agences de notation, qui, en validant les crédits titrisés, ont eu une lourde responsabilité dans la crise financière, ont baissé la note de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne, faisant bondir les taux de rémunération que ces pays doivent offrir pour s’endetter. Cela entraîne des différentiels de taux peu soutenables avec l’Allemagne ou la France. Dans cette situation, s’en remettre aux marchés pour financer les déficits publics est une aberration. Il faut en finir avec le dogme qui interdit à la BCE de financer les Etats par de la création monétaire.

Pour une autre Europe

L’Union européenne est à la croisée des chemins. Deux voies s’offrent à elle. Soit continuer sur la trajectoire actuelle et c’est l’installation dans la récession, le chacun pour soi, avec le risque de montée de la xénophobie. Soit se saisir de la crise pour changer radicalement de politique. L’Union européenne s’est construite au bénéfice du capitalisme néolibéral. Il faut maintenant imposer, par les mobilisations citoyennes, qu’elle devienne un espace de protection et de progrès social pour ses habitants.


Des traités obsolètes

Face à la crise, certains articles des traités ont été heureusement mis de côté, qu’il s’agisse de l’indépendance de la BCE, obligée de se concerter avec les gouvernements, de l’interdiction qui lui était faite de prêter de l’argent aux Etats - elle a mis cinq milliards d’euros à disposition de la Hongrie -, du pacte de stabilité qui corsète la politique budgétaire ou de l’interdiction des aides d’Etat aux entreprises. Mais, comble de l’absurdité, les Etats continuent à ratifier, comme si de rien n’était, le traité de Lisbonne qui reprend intégralement ces articles. Il est temps d’en finir avec un traité qui est profondément marqué par une idéologie, le néolibéralisme, qui a totalement fait faillite.


Une politique monétaire inadéquate !

La Banque centrale européenne (BCE) n’a, d’après les traités, aucun compte à rendre aux gouvernements et au Parlement européen. La politique monétaire, qui a pourtant des conséquences économiques et sociales considérables, n’est soumise à aucun débat démocratique. Les peuples d’Europe, les citoyens-nes, n’ont aucune possibilité de peser sur les choix de la BCE alors qu’ils sont directement concernés par eux.

À la concurrence comme seul horizon de la construction européenne s’est rajoutée une gestion monétariste de l’euro par la BCE. Celle-ci a privilégié la lutte contre l’inflation, alors même que celle-ci n’était plus un problème dans la zone euro depuis des années. Cette politique aboutit à des taux d’intérêt, le prix de l’argent, élevés, ce qui freine l’activité économique, mais favorise les rentiers qui voient leur patrimoine fortement rémunéré.

Cette orientation a amené la BCE, comble de dogmatisme et de stupidité, à augmenter ses taux d’intérêt en juillet 2008 alors même que la crise financière mondiale datait de l’été 2007 et que la récession commençait à s’installer dans l’Union européenne.

Depuis, la BCE a baissé ses taux d’intérêt pour relancer l’activité économique. Mais elle le fait de façon trop parcimonieuse, contrairement à ce que font d’autres pays comme les Etats-Unis. Il est visible que la BCE n’a pas pris la mesure de la crise et essaie de maintenir malgré tout ses orientations antérieures.

Or, si l’inflation baisse plus vite que les taux d’intérêt, cela aboutira à l’augmentation des taux d’intérêt réels (une fois enlevée l’inflation). La conséquence en sera une aggravation de la récession en cours.

De plus, la BCE ne module pas ses taux en fonction de l’activité concernée. Ainsi, les taux d’intérêt sont les mêmes pour refinancer des crédits destinés à l’investissement et pour ceux destinés à des opérations financières spéculatives. Ainsi la BCE n’exerce pas de contrôle sur l’emploi que les banques font de ses prêts.

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